Santé et sécurité au travail
Vincent Grosjean
Chercheur en bien-être au travail, Institut national de recherche et de sécurité
Les sciences sociales font le constat que toute communauté humaine se crée des normes qui tendent à s’imposer à chacun de ses membres. Ainsi, des outils de travail comme le téléphone portable, la messagerie instantanée, la visioconférence établissent des normes d’usage et génèrent des niveaux de charge mentale. Puis, ces usages et niveaux de charge deviennent normaux, acceptables. Ils s’imposent à tous, sans avoir été débattus. Est-il normal de lire ses e-mails le dimanche soir ? De répondre au téléphone pendant une visio-conférence ? De regarder ses e-mails en réunion ? Toutes les entreprises portent des choix implicites. Regardez autour de vous, vous verrez la réponse que votre collectif a apporté à ces questions : la réunion en mode déconnectée, le tout-connecté, l’usage raisonné des e-mails. Or les enjeux sont psychosociaux. Cycles de travail-repos, préservation de la sphère privée : du respect de ces équilibres dépendent aussi la performance durable et l’attractivité de l’entreprise. Les lois sur la qualité de vie au travail conduisent à signer des accords de droit à la déconnexion.
Mais qui peut croire à un changement des pratiques généré par une norme écrite ? Cette norme est utile – elle fixe un cadre minimal –, mais il faut la dépasser, s’adapter aux spécificités de chaque métier et avoir l’ambition de répondre aux situations individuelles. Cela impose un dialogue social innovant et décentralisé. Il est indispensable de créer les lieux, les moments, les techniques pour mettre en débat ces pratiques. Ainsi et seulement ainsi, passera-t-on du droit écrit au droit effectif.