Contrôle des concentrations : changeons de focale



Réglementation

Morgan Guérin

Responsable du programme Europe de l’Institut Montaigne

L’Union européenne se tire-t-elle une balle dans le pied ? En février dernier, la Commission européenne a refusé la fusion des activités ferroviaires d’Alstom et Siemens, sensée créer un champion européen à même de concurrencer les grandes entreprises américaines et chinoises du secteur. De tels refus sont heureusement peu fréquents. Mais, pour éviter de longues, coûteuses et aléatoires procédures, combien d’entreprises ont elles renoncé à présenter leur projet de rapprochement ? L’exemple du secteur des télécommunications est frappant. La Chine représente un marché de plus d’un milliard de consommateurs et ne compte que trois opérateurs téléphoniques, soit un de moins que la France et ses 70 millions d’habitants. Dans ce contexte de concurrence féroce, quel avenir peut-on prédire à l’UE et sa trentaine d’opérateurs ?

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La Commission européenne n’est certes pas à blâmer. Le contrôle des concentrations qu’elle effectue est défini par le droit européen et repose avant tout sur une analyse économique du marché de l’UE. Mais dans le contexte actuel, pouvons-nous encore complètement dissocier les questions économiques des enjeux géopolitiques ? Pouvons-nous imaginer rester une puissance globale sans entreprises européennes de la taille des plus grands acteurs mondiaux ? Le droit européen de la concurrence défend avec vigueur les intérêts des consommateurs et nous devons continuer à suivre cet objectif. L’irruption en seulement quelques années de grands acteurs industriels chinois nous invite pourtant à revoir notre approche. Il nous faut à présent une stratégie industrielle globale – le contrôle des concentrations en sera l’un des principaux piliers – dont l’objectif sera de doter à terme l’UE, pour chaque secteur et segment économique, de plusieurs acteurs parmi les dix premières entreprises mondiales en termes de chiffre d’affaires ou de capitalisation.

Opposer intérêt des consommateurs et politique industrielle conduit l’Europe dans une impasse. Les grandes entreprises sont devenues les principaux acteurs de la concurrence géopolitique. Si l’Europe souhaite regagner son rang et rester à la table des négociations, elle ne peut faire l’économie d’une refonte de sa politique de la concurrence.

Lucien Castex

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