Entretien croisé avec Christel Heydemann et Stéphane Richard


Entretien croisé
avec Christel Heydemann et Stéphane Richard

Orange a opté, en 2022, pour la dissociation des fonctions. Stéphane Richard, vous conservez la présidence du Conseil d’administration jusqu’au 19 mai, date de la prochaine Assemblée générale. Christel Heydemann, vous avez pris vos fonctions de Directrice générale le 4 avril. Dans quel état d’esprit abordez-vous cette nouvelle page de l’histoire du Groupe ?

Stéphane Richard : Je voudrais d’abord remercier les femmes et les hommes d’Orange, et saluer leur mobilisation tout au long des douze dernières années. Leur engagement au service de nos clients et leur esprit d’innovation sont à la source de la performance solide du Groupe. Ensemble, nous avons su prendre des paris qui se sont révélés gagnants pour nourrir la croissance et renforcer notre leadership sur les réseaux. Je suis aujourd’hui heureux d’accueillir Christel Heydemann comme nouvelle Directrice générale d’Orange et lui souhaite beaucoup de succès dans cette mission. Je suis convaincu que sa vision stratégique, sa maîtrise des enjeux industriels et ses nombreuses qualités personnelles, que j’ai pu apprécier au cours de ses cinq années de mandat au sein du Conseil d’administration, permettront de relever, avec l’ensemble des équipes, les défis qui attendent l’entreprise.

Christel Heydemann : Ces dernières années, Orange a apporté la preuve de son excellence et de sa capacité d’adaptation, en matière d’infrastructures comme de mobilisation des équipes. C’est donc un honneur de rejoindre cette entreprise et de contribuer à son développement en relevant les nombreux défis à venir. Je remercie les membres du Conseil d’administration pour leur confiance. Prête à m’investir pleinement, c’est avec motivation, détermination et un profond sens des responsabilités que je prends mes fonctions. Je sais par ailleurs pouvoir compter sur la force et l’engagement des équipes pour accompagner l’entreprise vers la réussite.

“Investir dans des réseaux performants, intelligents, sécurisés et sobres en énergie inscrit notre modèle industriel dans le long terme tout en connectant une part croissante de la population mondiale.”

“L’accélération de la transformation numérique des entreprises est une opportunité de taille. Nous disposons des atouts nécessaires pour en tirer le plein potentiel.”

Christel Heydemann

Quels défis attendent aujourd’hui le Groupe ? Comment les relever ?

C.H. : L’accélération de la transformation numérique des entreprises est une opportunité de taille. Grâce à notre expertise d’opérateur associée à notre maîtrise de l’intégration des services numériques, nous disposons d’atouts importants pour en tirer le plein potentiel et être un partenaire stratégique de nos clients en matière de cybersécurité, de cloud, d’IA, etc. Le Groupe doit aussi renouer avec la croissance en Espagne, un marché très difficile marqué par une concurrence intense des marques low cost. C’est le sens des négociations exclusives que nous avons annoncées avec MásMóvil, afin de rapprocher nos activités et de créer un acteur majeur sur ce marché. Enfin, en France, le premier défi sera d’accompagner la bascule du cuivre vers la fibre sur l’ensemble du territoire pour apporter le meilleur de la connectivité à tous les Français. Pour cela, nous nous sommes associés en novembre 2021 avec des investisseurs de long terme afin de lancer Orange Concessions, dont l’objectif est d’exploiter d’ici à 2025 4,5 millions de prises « Fiber to the Home » (FTTH) dans 6 500 communes. Orange peut déjà s’appuyer sur une raison d’être puissante pour relever ces défis et en faire des réussites collectives.

“Les technologies numériques sont un levier essentiel pour associer performance énergétique et économique. En tant que leader de ce secteur, notre responsabilité est double.”

Comment atteindre les objectifs ambitieux fixés par le Groupe en matière de réduction des émissions carbone ?

C.H. : Les technologies numériques sont un levier essentiel pour associer performances énergétique et économique. En tant que leader de ce secteur, notre responsabilité est double : nous devons agir pour réduire nos émissions carbone et accompagner nos clients vers l’amélioration de leur performance énergétique. Pour Orange, atteindre le net zéro carbone d’ici à 2040 passera par un effort sans précédent en matière d’efficacité énergétique, de recours aux énergies bas carbone et de travail avec l’ensemble de nos partenaires. La modernisation des réseaux représente pour cela une opportunité formidable, qu’il s’agisse de la bascule du cuivre vers la fibre ou du décommissionnement de la 2G et de la 3G. Par ailleurs, le vaste programme d’économie circulaire que nous avons lancé fait progresser le Groupe chaque année dans les domaines de l’écoconception, du recyclage, de la reprise et du reconditionnement des équipements. En transformant nos habitudes et nos méthodes de production, l’économie circulaire permet par ailleurs d’identifier de nouvelles voies d’innovation et de croissance. C’est un processus collaboratif dans lequel chacun a un rôle à jouer, ce qui est enthousiasmant !

Le Groupe a investi massivement dans le déploiement d’infrastructures numériques nouvelle génération. Ces dépenses portent-elles leurs fruits ?

S.R. : Incontestablement. En effet, des réseaux performants, intelligents, sécurisés et sobres en énergie sont indispensables pour inscrire notre modèle industriel dans le long terme, tout en connectant une part croissante de la population mondiale. Investir tôt et massivement dans la fibre optique dès les années 2010 était un choix ambitieux, qui nous permet aujourd’hui d’être le leader européen dans cette technologie avec plus de 56 millions de foyers raccordables et près de 12 millions de clients. Nous déployons aussi la 5G dans six pays européens. Si nous sommes encore aux débuts de l’histoire, cette nouvelle technologie constituera dans les années à venir un levier de compétitivité décisif pour les entreprises. Enfin, le leadership européen du Groupe se confirme également dans la convergence, qui a déjà séduit 11,5 millions d’utilisateurs. Ces belles performances commerciales s’accompagnent d’une satisfaction client en constante progression, elles constituent un socle solide pour construire l’avenir.

Quels sont les territoires de croissance identifiés par le Groupe ?

C.H. : L’accélération de la transformation numérique de la société s’accompagne malheureusement de l’émergence de nouvelles menaces, au premier rang desquelles les cyberattaques. En France, par exemple, elles ont été multipliées par quatre entre 2019 et 2020. En 2021, les activités de cybersécurité portées par Orange Cyberdefense ont généré une croissance à deux chiffres et nos experts poursuivent leurs efforts pour renforcer la protection des données et des systèmes d’information de nos clients. La zone Afrique et Moyen-Orient se distingue par une croissance particulièrement dynamique, avec une hausse du chiffre d’affaires de 25,2 % sur la data mobile et de 23,5 % sur le haut débit fixe. Enfin, la diversification et le développement du multi-services constituent aussi un territoire de croissance, dans les services financiers, la maison connectée, ou encore l’énergie.

“La 5G constituera dans les années à venir un levier de compétitivité décisif pour les entreprises.”

Le monde connaît actuellement d’importantes tensions géopolitiques. Comment affectent-elles le Groupe ?

S.R. : Partout, notre priorité absolue est la sécurité de nos équipes et la solidarité envers les populations concernées. Nos collaborateurs et collaboratrices, largement mobilisés, accueillent des réfugiés ukrainiens dans des centres de formation d’Orange transformés en lieux d’accueil, notamment dans les pays frontaliers de l’Ukraine. La Fondation Orange a débloqué un fonds de 1 million d’euros pour soutenir ces initiatives. Nous avons de plus rendu gratuit ou réduit de 80 % le prix des appels vers l’Ukraine depuis tous les pays européens dans lesquels nous sommes présents. Au-delà de l’impact immédiat, ce conflit rappelle la nécessité de mieux protéger nos données numériques et de renforcer la souveraineté européenne en la matière. Orange est à ce titre engagé au sein de l’initiative Gaia-X et participe au projet Bleu, dont l’ambition est de renforcer l’offre sur le cloud de confiance.

Christel Heydemann, quels grands principes nourriront votre action dans les mois à venir ?

C.H. : D’abord, être au contact et à l’écoute des équipes comme des actionnaires du Groupe afin d’échanger en toute transparence et de réaffirmer la bonne marche de notre stratégie. Je multiplierai pour cela les déplacements sur le terrain et les rencontres au cours des prochains mois. Ensuite, allier mes valeurs personnelles à celles d’Orange sur des sujets qui me tiennent à cœur comme la diversité et la lutte contre le dérèglement climatique. Durant ma carrière, j’ai fait l’expérience de l’impact positif d’une politique volontariste en matière de mixité des équipes. Ce sont des sujets sur lesquels Orange s’engage depuis déjà plusieurs années, et dans lesquels j’investirai toute mon énergie.