Marc-André Feffer
Président de Transparency International France
Longtemps à la traîne dans la lutte contre la corruption, la France rattrape aujourd’hui son retard, sous l’effet combiné de nouvelles législations, d’une prise de conscience des entreprises et d’un contexte sociétal porteur. Dans le même temps, la technologie ouvre de nouvelles perspectives et la coopération internationale s’organise.
En 2018, une étude menée par Transparency International sur la mise en œuvre de la Convention de l’OCDE pour la lutte contre la corruption transnationale jugeait l’engagement de la France « limité » en la matière. Un résultat qui mérite explication. En effet, les lois les plus récentes en matière de transparence et de lutte contre la corruption commençaient tout juste à produire leurs effets. En témoignent encore très récemment l’amende record de 3,7 milliards d’euros infligée à un établissement bancaire pour démarchage bancaire illégal et blanchiment aggravé de fraude fiscale, ainsi que la signature de conventions judiciaires par deux autres banques. La France dispose aujourd’hui des instances et des outils au meilleur niveau des standards internationaux. Elle doit maintenant attester de leur mise en œuvre.
Par ailleurs, le digital est un outil ambivalent dans la lutte contre la corruption. Il génère de nouveaux risques : les cryptomonnaies sont par exemple un vecteur possible de blanchiment d’argent. À l’inverse, des technologies comme la blockchain ou l’intelligence artificielle constituent des opportunités intéressantes pour assurer la traçabilité et le caractère non falsifiable des transactions ou détecter plus efficacement les mouvements frauduleux.
Entre évolution de la réflexion sur leur rôle au sein de la société et « peur du gendarme », les grandes entreprises prennent conscience de la nécessité éthique et économique d’être plus transparentes. Un des points les plus sensibles porte sur les activités à l’étranger, notamment dans des zones où les pratiques de corruption sont répandues. Pour relever ce défi, il est capital que les directions générales s’engagent publiquement en faveur d’une stratégie de tolérance zéro, qui se diffuse dans toutes les branches et zones d’activité de l’entreprise, avec un maillage de déontologues spécialisés pour coller au plus près des particularités locales. Le diable se niche dans les zones grises. À terme, si une entreprise juge qu’elle ne peut conclure un marché ou exercer dans un pays sans avoir recours à la corruption, elle doit renoncer à ce marché ou même se retirer du pays. Ce n’est certes pas une décision facile, surtout quand tout le monde ne respecte pas les règles. C’est pourquoi la convergence internationale doit se renforcer. La Convention de l’OCDE constitue à ce titre une avancée significative, que davantage de pays devraient signer et mettre en œuvre.