Sandrine Cathelat
Directrice des études, Observatoire Netexplo
À l’image des précédentes révolutions industrielles, celle portée par le numérique nous engage dans un futur incertain, plein de promesses mais qui peut aussi parfois se révéler angoissant. Elle dessine un monde où l’homme devient la marionnette du logiciel, l’esclave inactif de machines dotées d’intelligence artificielle. Et l’opinion publique agite en conséquence le spectre d’une perte de contrôle conduisant à une déshumanisation globale. Garder le contrôle reste pourtant bien à notre portée.S’il est classique de dire que le numérique bouleverse nos usages, nos habitudes et notre rapport au monde, il est nécessaire de bien en appréhender les tendances de fond. L’Observatoire Netexplo et son réseau d’experts universitaires présents sur tous les continents analysent l’innovation digitale sous l’angle des usages depuis douze ans. Dans la dernière étude 2018/2019, ils mettent en évidence deux constats : l’interface zéro et la décision zéro. D’un côté, les écrans sont de moins en moins présents (de moins en moins utiles !) et les interactions entre l’individu et l’interface s’affranchissent inexorablement des contraintes : on pilote les enceintes connectées à la voix, la reconnaissance faciale ouvre les accès sans mot de passe. Le terminal disparaît peu à peu et c’est l’environnement tout entier qui devient une interface avec laquelle nous pouvons communiquer de façon muette et invisible, à travers notre comportement, les battements de notre cœur ou notre activité cérébrale. Dans un écosystème donné, un domicile équipé de capteurs par exemple, l’intelligence artificielle reçoit automatiquement les informations. Corolaire à cette interface zéro, la décision zéro représente la capacité des outils digitaux à analyser les informations, à choisir une stratégie et à l’opérer sans intervention humaine. C’est la voiture autonome. Ce sont aussi les nanorobots médicaux qui, dotés d’intelligence artificielle et injectés dans un organisme, sont capables de détecter un dysfonctionnement et de déclencher une médication ciblée et immédiate. Les espoirs de progrès en matière de santé, de sécurité, de confort et de commodité sont indéniables.
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Restent les enjeux. Et en premier lieu, la question du pouvoir : qui est aux commandes de la « machine » ? Les Gafa et autres titans de l’intelligence artificielle qui standardisent les comportements et les psychologies des usagers ? Et quel avenir pour l’homme dans un monde à « décision zéro » ? Cet avenir sera-t-il, comme beaucoup le craignent, « humain zéro », avec des individus sans utilité (et sans travail), sans statut et sans pouvoir, ou « humain augmenté » avec des hommes capables de vivre mieux grâce aux machines ? Le moment est venu de s’interroger sur notre avenir. Il en va de la responsabilité de tous les acteurs, individus et entreprises, de réfléchir à ce futur, pour ne pas subir ce qu’on ne veut pas subir.