Jean Jouzel
Climatologue et glaciologue, ancien vice-président du Giec, membre de l’Académie des sciences et du Conseil économique, social et environnemental
En février dernier, des scientifiques de la Nasa ont découvert une gigantesque cavité dans la glace dans l’ouest de l’Antarctique, qui a profondément remis en question les modèles numériques sur la vitesse de disparition des glaces. Le phénomène serait bien plus rapide qu’estimé initialement, entraînant ainsi une accélération de l’élévation du niveau de la mer.
Or deux ou trois mètres de plus à l’horizon 2200 ou 2300 provoqueraient le recul de nombreuses côtes et la disparition de villes comme New York, Miami, Dacca, Shanghai ou Tokyo. A plus court terme, nos plus jeunes générations risquent d’éprouver de grandes difficultés à s’adapter aux nouvelles conditions climatiques dès la fin de notre siècle.
L’urgence est absolue. Les actions qui seront menées au cours des deux prochaines décennies détermineront l’avenir de notre planète. Le numérique, par sa capacité à dématérialiser les échanges et à limiter les déplacements, peut participer à la réduction des gaz à effet de serre, à la condition exclusive de connecter serveurs et appareils à des sources d’énergies renouvelables. L’objectif défini par l’Accord de Paris d’une limitation du réchauffement climatique à 2°C à la fin du siècle reste atteignable. Il suppose cependant un effort global et international pour engager une transition énergétique et écologique radicale. Il ne s’agit aucunement de sacrifier une partie de notre qualité de vie, ni même de prôner la décroissance. Bien au contraire ! La transition écologique représente un extraordinaire levier de développement. L’adoption d’un pacte finance-climat au niveau européen permettrait par exemple de créer 6 millions d’emplois en Europe dont 900 000 en France à horizon 2050. Il est impératif aujourd’hui de créer une banque européenne du climat permettant de financer cette transition. Les moyens financiers existent. Ils doivent simplement être transférés de l’économie carbonée et de la spéculation vers l’économie zéro carbone. L’Europe pourrait ainsi construire un budget de 100 milliards par an sur la base des impôts sur les bénéfices non investis des entreprises.
États, organisations, investisseurs et populations doivent prendre conscience qu’il n’y a plus d’alternative et que notre vieux modèle de développement basé sur les énergies fossiles a atteint sa limite. Le premier pays, ou la première région, qui réussira sa transformation écologique bénéficiera d’ailleurs d’un avantage décisif dans la course au leadership économique mondial. Ceci n’est possible qu’à travers la mobilisation de toutes les forces vives de la société. Chacun, à son niveau, en modifiant ses habitudes et ses choix de consommation, a la capacité d’influencer le destin pour assurer un avenir à la Terre et à tous ceux qui la peuplent.