Entretien avec Christel Heydemann


Grâce à la mobilisation de ses équipes, Orange prouve au quotidien sa résilience et sa capacité à s’adapter rapidement aux évolutions du marché.

En avril 2022, vous preniez la direction générale du Groupe : quel bilan dressez-vous de cette première année ?

Christel Heydemann : Durant ces douze mois, j’ai constaté sur le terrain l’engagement de toutes nos équipes, partout où nous sommes présents, pour fournir des services numériques essentiels aux populations. Cette mobilisation de tous les instants constitue la principale force d’Orange, grâce à laquelle le Groupe prouve au quotidien sa résilience, sa force d’adaptation face aux évolutions de notre marché, et sa capacité à continuer de servir nos clients en dépit de contextes sécuritaires parfois difficiles, en Europe et en Afrique. Je suis fi­ère du travail accompli et de notre engagement collectif, qui nous ont permis d’atteindre l’ensemble de nos objectifs ­financiers.

Je suis très satisfaite de la nouvelle gouvernance mise en place à la tête de l’entreprise et du tandem complémentaire que nous formons avec Jacques Aschenbroich, avec qui nos échanges sont réguliers et constructifs.

Quel est le contexte de marché ?

C. H. : Cette année a été difficile pour l’industrie des télécoms, en particulier en raison du retour de l’inflation en Europe. Nous sommes confrontés à une situation complexe et paradoxale, dans laquelle la concurrence et la réglementation exercent une forte pression sur la rentabilité de nos activités tandis que les investissements dans les infrastructures numériques n’ont jamais été aussi essentiels.

Avec la pandémie, les dernières années ont remis en lumière le rôle vital des télécoms et la dimension absolument essentielle de la connectivité dans notre quotidien, comme dans celui des entreprises. Le trafic sur nos réseaux a explosé et de nouveaux enjeux ont émergé comme la sécurité, la souveraineté ou encore la résilience des infrastructures. Pour répondre à ces défis, il est essentiel de continuer à innover et à créer de la valeur économique, environnementale, sociale et sociétale pour l’ensemble de nos parties prenantes, en ligne avec notre raison d’être : « Orange est l’acteur de confiance qui donne à chacune et à chacun les clés d’un monde numérique responsable ».

Vous plaidez pour que les « Big Tech » participent au financement des infrastructures : en quoi cet enjeu est-il crucial ?

C. H. : Cinq acteurs occupent plus de 50 % et jusqu’à 80 % de la bande passante de nos réseaux à certaines heures de la journée, et on estime que le trafi­c devrait continuer de croître de 30 % par an, générant des investissements dans nos réseaux. Pourtant, seuls les opérateurs télécoms supportent les coûts économiques, énergétiques et environnementaux liés à l’explosion du trafi­c sur les réseaux sans que les cinq grands « générateurs de trafi­c » n’incluent dans leur modèle économique les coûts qu’ils induisent. Un rééquilibrage est nécessaire pour préserver l’avenir du développement des réseaux, tout en respectant le principe d’un internet neutre et ouvert.

Dans le cas particulier de la France, quelles sont vos attentes à l’égard du régulateur ?

C. H. : En France, comme dans tous les pays où nous sommes présents, nous travaillons en étroite collaboration avec le régulateur. Nous attendons de ce dernier une position juste et équilibrée a­fin de pouvoir construire, avec l’ensemble des acteurs, un cadre permettant d’offrir le meilleur service aux Françaises et aux Français. Cela exige de tenir compte de toutes les réalités, en particulier les réalités économiques, pour assurer le juste ­financement des infrastructures. Je voudrais rappeler que si la France compte aujourd’hui parmi les pays les plus fi­brés d’Europe, c’est en grande partie grâce à Orange. Compléter le déploiement de la fi­bre sur l’ensemble du territoire impose de continuer à construire collectivement un modèle économique viable. Nous devons en parallèle travailler pour préparer le chantier du décommissionnement du cuivre. En effet, si ce réseau se vide avec la bascule de nos clients vers la fibre, il est encore essentiel pour des millions de personnes, ce qui pose la question du coût de sa maintenance.

“Avec Lead the Future, nous positionnerons Orange en tant que leader des télécoms en nous inscrivant dans un cycle de croissance et de création de valeur durable.”

Début 2023, vous avez présenté Lead the Future, un nouveau plan stratégique. Comment va-t-il permettre d’améliorer la création de valeur par le Groupe ?

C. H. : Nous avons conçu Lead the Future en lien étroit avec la nouvelle équipe dirigeante et le Conseil d’administration pour projeter Orange dans l’avenir. Ce plan vise à capitaliser sur nos nombreuses forces, au premier rang desquelles nos infrastructures ainsi que les services de connectivité que nous fournissons quotidiennement à des millions de clients. C’est pourquoi nous irons chercher toute la valeur qui existe sur notre cœur de métier. Les premiers jalons ont été posés en 2022 avec les projets de vente d’OCS, de consolidation de nos activités en Belgique et, nous l’espérons, bientôt en Espagne, ainsi que des acquisitions ciblées, par exemple dans la cybersécurité. Avec Lead the Future, nous positionnerons Orange en tant que leader des télécoms sur nos marchés en nous inscrivant dans un cycle de croissance et de création de valeur durable.

La force d’Orange repose notamment sur ses réseaux fibre et mobile : quelle place occupent-ils dans Lead the Future ?

C. H. : La qualité de nos réseaux, dans l’ensemble des pays où nous sommes présents, constitue un axe de différenciation majeur. Contrairement à d’autres opérateurs, nous avons fait le choix d’investir très tôt dans la ­fibre optique, en France et en Europe. Un pari gagnant, puisque la demande en connectivité n’a jamais été aussi élevée et que nos réseaux sont incontournables pour y répondre. Nous poursuivrons donc leur développement et leur modernisation, tout en travaillant sur les nouveaux usages qu’ils permettent. Nous optimiserons aussi leur gestion afin de gagner en efficacité opérationnelle et environnementale.

Orange Business Services devient Orange Business : que signifie ce changement de nom ?

C. H. : Le marché entreprises est difficile pour tous les opérateurs télécoms qui doivent faire face à la décroissance de leurs principales sources de revenus en raison des mutations technologiques rapides. Les conséquences fi­nancières sont importantes, et nous poussent à nous transformer en profondeur pour retrouver le chemin d’une croissance rentable sur ce segment. C’est ma priorité depuis le premier jour et de nombreuses actions ont déjà été engagées. La priorité est de nous simplifi­er, que ce soit dans nos offres et nos méthodes de travail, et de bénéfi­cier de la puissance de la marque Orange. C’est pourquoi nous avons renommé Orange Business Services en Orange Business pour marquer notre volonté d’être plus simples, plus proches de nos clients, plus digitaux. Nous entendons nous positionner comme le leader des solutions de connectivité de nouvelle génération. Nous continuerons aussi d’accélérer dans la cybersécurité, où notre ambition est de croître plus rapidement que le marché.

Le plan stratégique s’accompagne de la mise en place d’un nouveau modèle d’entreprise. En quoi consiste-t-il ?

C. H. : Devant la multiplicité des dé­fis auxquels nous faisons face simultanément, notre réussite dépendra de notre capacité à construire un nouveau modèle d’entreprise autour de trois maîtres mots : performance, excellence et confi­ance. Nous mettrons l’accent sur l’exécution et la simplification de notre organisation, en passant entre autres par plus de mutualisation des fonctions support et par un pilotage plus transverse des projets. À tous les niveaux, nous placerons aussi l’expertise des femmes et des hommes d’Orange au cœur de notre stratégie. Nous prendrons également toutes nos responsabilités pour évoluer vers un modèle « ESG by design », en agissant sur chacune des dimensions environnementales, sociales et sociétales. Notre plan stratégique a vocation à faire résonner notre raison d’être et ­fixe des objectifs ambitieux en matière d’environnement et d’inclusion numérique. Ainsi, en 2030, nous aurons réduit de 45 % nos émissions de CO2 par rapport à 2020, sur les scopes 1, 2, et 3. Nous serons aussi acteurs pour bâtir une société de con­fiance, un enjeu chaque jour plus central dans l’adoption des nouvelles technologies.

“La demande en connectivité n’a jamais été aussi élevée et nos réseaux sont incontournables pour y répondre.”

Quelles sont les orientations prises en matière de gestion des talents ?

C. H. : Notre industrie est en perpétuelle évolution, ce qui entraîne une transformation rapide et profonde de nos métiers. Le développement des talents sera clé dans notre capacité à exécuter notre stratégie. Nous devrons adapter nos compétences à nos besoins, et accompagner les équipes face à ces mutations, dans un discours de bienveillance et de vérité. Nous mettrons aussi en place des politiques RH différenciées pour nous adapter à toutes les réalités et à la diversité croissante de nos métiers, en poursuivant toujours l’objectif de fournir le meilleur service à nos clients.

Comment l’innovation va-t-elle nourrir le développement du Groupe ?

C. H. : Notre capacité d’innovation est clé pour enrichir les services de connectivité dans le domicile ou en mobilité et les services aux entreprises et aux opérateurs. Nous travaillons à la fois pour porter des innovations de rupture sur notre cœur de métier – les réseaux de demain ou la relation client augmentée par exemple –, pour soutenir le développement d’écosystèmes mondiaux et pour développer une innovation à impact positif pour nos clients et la société.

Quels principes guideront l’action d’Orange pour l’année à venir ?

C. H. : Nous appliquerons dès cette année les trois maîtres mots de notre nouveau modèle d’entreprise : performance, excellence et confi­ance ! Nous travaillerons tous ensemble pour aller capter le plus de valeur sur notre cœur de métier, pour nous transformer là où nous en avons besoin et pour accélérer sur nos relais de croissance. Servir nos clients et avoir des salariés engagés restent nos priorités !